Elle n’est pas triste la vieille usine
Toute imprégnée de sueur d’ouvrier
De lutte syndicale, de patronat décrié
Je la vois dans le silence des machines
Quand le feu de ma lampe troue la nuit
Et accroche la froideur du métal qui luit
Du métal qui luit
Métal qui luit
Toutes les poignées d’heures s’en aller
Faire la même tournée des petites clés
Pour nourrir la machine à pointer
Qui me suit partout comme un clébard
Qui sait mes absences et mes retards
Qui connaît mon pas dans les couloirs
Pas dans les couloirs
Dans les couloirs
Ici je n’ai aucun copain d’atelier
Pas non plus de collègue de bureau
Avec qui échanger quelques petits mots
Le noir ne me donne pas envie de parler
Je suis tout seul pour faire ce boulot
Toujours mes nuits croisent leurs journées
Croisent leurs journées
Leurs journées
En fait, il ne se passe jamais rien
De la nuit, du soir au lendemain
Rien qui vienne me faire peur
Pas de feu pour saisir l’extincteur
Juste le contrôle du directeur qui demande
Si tout va bien, si la mer est grande
Si la mer est grande
Mer est grande
Tôt le matin, je les vois tous arriver
La première équipe de la journée va pointer
Regards livides et allures de fantômes
Ils reviennent investir mon royaume
Reprendre en chœur le rythme, la cadence
Qui brisent l’épaisseur de mon silence
De mon silence
Mon silence
Toutes les aubes sont tristes à regarder
Elles n’ont rien de mieux à m’amener
Que cette multitude qui va bouger
Troubler mes heures de sommeil
Toute à sa joie d’être au soleil
Jour maudit, la nuit, mes merveilles
La nuit, mes merveilles
Mes merveilles
Photo: PhV