Blues muet

Déambuler au hasard des rues
Comme si l’on avait un but
Ne pas se hâter lentement
Comme si on avait le temps

Sourire parfois aux passants
Comme si on aimait les gens
Regarder rire les enfants
Sans vouloir en faire autant

Marcher en fermant les yeux
Comme pour s’évader un peu
Du monde qui va défilant
Du troupeau des bonnes gens

Et puis s’accrocher au ciel
Vouloir s’y voir en bleu
Comme si on avait des ailes
Comme si on croyait en Dieu

Et puis s’arrêter sur un pont
Se pencher comme d’un balcon
Être fasciné par le flot lent
À vouloir plonger dedans

S’isoler dans le bruit d’un café
Compter les bulles d’un panaché
Ne pas quitter l’entrée des yeux
Comme si l’on attendait un peu

Boire verres après verres
Comme pour noyer l’Enfer
Comme pour se saouler
Boire sans rien fêter

Voir la cendre refroidir
Pendant que la bouche muette
Enserre une autre cigarette
Penser qu’on n’a rien à dire

Sentir ses lèvres endolories
Des mots qui écorchent la gueule
Des mots qui laissent souvent seul
Et penser qu’on les a dits…

Philippe Villard

Jongleur de mots et débusqueur de sens, le journalisme et le goût des littératures ont dicté le chemin d’un parcours professionnel marqué du sceau des rencontres humaines et d’une curiosité insatiable pour l’autre, pour celui dont on doit apprendre.