Voila un ouvrage que l’on peut sans peine faire rentrer dans la catégorie sans limite mais ô combien signifiante de «culte». Bien sûr, pour accéder à ce livre foisonnant, il faut aimer cigares, modules et autres barreaux de chaise afin d’en apprécier la tripe savoureuse. C’est forcément à un Cubain qu’on le doit. Guillermo Cabrera Infante virevolte entre érudition et anecdote. Il revisite l’histoire du pétun de Christophe Colomb, qui découvre ces Caraïbes à la fumée qui leur sort de la tête, jusqu’à ce dandysme contemporain, qui veut hisser le fait de torailler l’étrange feuille au niveau d’un épicurisme hédoniste qui confine au snobisme. Ce livre inclassable fourmille d’informations qui tourbillonnent comme les volutes d’un havane tandis que l’auteur laisse dans le sillage de sa plume légère toutes les nuances subtiles de ce tabac mûri par les planteurs et façonné par les torcedorès pour le plaisir de la dégustation. Holly Smoke est un ouvrage plein d’un bouquet qui se hume et se prise dans la patience et la délectation, comme si l’on tirait avec volupté sur un double corona. Oui, ce livre a de la tripe. Oui, il est à ne pas lire sous cape. Oui c’est une ode au tabac, à son histoire et à sa terre natale, un catalogue raisonné et joyeux des apparitions du cigare dans les arts avec un faible pour le cinéma car l’auteur fut aussi le fondateur de la cinémathèque cubaine.
Si Dieu est un fumeur de havanes, Guillermo Cabrera Infante fut assurément son apôtre.
La phrase: «Une fois allumé, on ne devrait pas laisser s’éteindre un cigare. C’est tout ce dont vous avez besoin pour être (ou du moins vous sentir) quelqu’un.»
Holly Smoke, Guillermo Infante Cabrera, les Éditions passage du Nord-Ouest, 2007, 425 pages