Dans ce livre bref mais très efficace Marc Dugain revient, à travers le roman, explorer des thèmes qu’il avait abordé bien plus frontalement dans «L’homme nu», un essai sorti en 2016 et coécrit avec Christophe Labbé.
Dans cette œuvre de science-fiction mais en-ce vraiment ? L’écrivain aborde les thèmes du transhumanisme, du data-mining, de l’empreinte numérique, de l’intimité dans un univers où les moteurs de recherche en savent plus sur nous que nous-même…
Il est donc question d’une fameuse transparence, celle qui donne son titre à l’ouvrage. Consentie, désirée, elle est le début et la fin de tout. Mais il n’est pas question ici de transparence de la sphère publique, celle qui devrait contribuer à l’installation d’une société ouverte. Seule compte la transparence individuelle à laquelle succombe sans révolte une masse humaine toujours connectée car la production de données devient ici la porte d’entrée à la vie éternelle. En effet, grâce à l’activité de Transparence, la start-up présidée par Cassandre Namara l’héroïne du roman dont l’auteur épouse le point de vue, la mort peut-être vaincue. Grâce à cette innovation qui marque une rupture biologique dans l’espèce humaine, la présidente de Transparence lance une OPA sur l’économie mondiale. Elle devient propriétaire de Google et détient un pouvoir économique, politique et spirituel d’une ampleur inimaginable jusqu’alors, ce qui lui vaut bien des génuflexions. Mais tous ne seront pas éligibles à cette vie éternelle de «répliquants» qui ne consommeront plus et ne produiront plus ni déchet ni déjection. Toutefois l’utopie écologique se conjugue au cauchemar humain. Seules certaines personnes et pas forcément celles qui peuvent rester chères à Cassandre pourront muter d’une enveloppe à l’autre, d’un monde à l’autre. En effet, un algorithme suprême décidera de tout en fonction de ce que les individus «tracés» auront semé dans la galaxie des datas toujours en expansion depuis le big bang numérique…
Enlevé et palpitant jusqu’à son retournement final qui donne aussi matière à réflexion, ce roman vif, au style maîtrisé et sans fioriture peut aussi se lire comme le petit cri d’un lanceur d’alerte car cette science-fiction de l’an 2060 n’exagère qu’à peine ce quotidien de nouvelles technologies et de connexion permanente qui tue l’intimité et l’individu ou plutôt l’être. On peut y voir aussi une démarche réactionnaire, celle d’un homme dépassé par un monde dans le quel il ne se reconnaîtrait pas Mais Marc Dugain n’est pas un «vieux con». En raconteur d’histoire, il parle aussi des émotions, des apparences et des faux-semblants. Il s’insinue du spleen et de l’idéal dans ce roman technologique aussi froid et rocailleux que l’Islande, devenue ultime refuge des certains privilégiés face au réchauffement climatique, qui lui sert de cadre.
«Une phrase»: «Le présent n’est rien d’autre que les milliers de données, d’informations que vous émettez sur vous même et que nous somme seuls à même de les ordonner, de les traiter de les assembler dans une configuration utile.»
«Transparence», Marc Dugain, 222 pages, Gallimard