Une machine infernale

Dire d’un livre que c’est un thriller, ce n’est jamais assez. Il faut toujours succomber à la redondance, à l’adjectif. Haletant. Efficace. Implacable… Le dernier roman de Robert Crais est forcément tout cela mais heureusement, il est aussi beaucoup plus.
Ce n’est pas un roman, c’est une bombe !
A Los Angeles, sur Sunset Boulevard, Charlie Riggio, démineur à la brigade de Silver Lake vit son crépuscule en se penchant sur un engin de mort. L’enquête signifie l’aube d’une nouvelle vie pour Carol Starkey, ancienne «démineuse» rescapée d’une explosion et reconvertie à la section des affaires criminelles.
Plongeant dans l’univers des fêlés du TNT, Robert Crais aurait pu écrire un ouvrage efficace et bien borné, coincé entre le traité sur les explosifs et le manuel d’investigation du LAPD. Mais grâce à son intelligence de serial-writer, il amorce un récit qui ne manque pas de souffle et captive dès la belle séquence d’ouverture aussi efficace et minutieusement échafaudée que l’exposition d’un film d’Hitchcock.
Une construction diabolique qui fait écho aux machines infernales et sophistiquées élaborées par M. Rouge, le psychopathe qui veut figurer sur la liste des dix personnes les plus recherchées par le FBI. Des bombes décortiquées et analysées dans leur moindre détail par une Carol Starkey obsédée par son passé. Dans son enquête, elle reçoit la trouble assistance de l’ambigu Jack Pell qui ne cesse de voir Rouge partout…
Tandis que, sur le terrain comme sur Internet, leurs investigations progressent entre fausses pistes et coups de théâtre, entre rebondissements et manipulations ; deux être blessés s’efforcent de retrouver le goût de la vie. Si à l’aise au milieu des bombes, Carol doit faire sa mue, admettre qu’il lui faut avancer dans la vie sans la carapace d’une combinaison de déminage. Quant à Jack, c’est peu dire que son regard change. Après le somptueux «L.A. Requiem», Robert Crais met entre les mains de ses lecteurs toutes les pièces d’un puzzle sanglant et joue avec le sens caché des événements. Entre encre sympathique et poudre noire, il a trempé sa plume dans un cocktail détonant.
A lire avant l’arrêt de la minuterie pour être complètement soufflé!

Une phrase: «Ici, tout le monde faisait semblant d’être quelqu’un d’autre.»

«Un Ange sans pitié», par Robert Crais, 368 pages, Éditions Belfond

Philippe Villard

Jongleur de mots et débusqueur de sens, le journalisme et le goût des littératures ont dicté le chemin d’un parcours professionnel marqué du sceau des rencontres humaines et d’une curiosité insatiable pour l’autre, pour celui dont on doit apprendre.