Laurence Lacour se destinait au métier de journaliste jusqu’à ce que son itinéraire professionnel croise la spectaculaire et dramatique affaire Grégory. Ce fait divers qui a mobilisé les médias d’une façon telle qu’il a marqué les pratiques professionnelles de l’ensemble de la presse française. Par son ampleur et les ravages qu’il a causé, il a eu aussi un formidable impact sur son itinéraire personnel, sur son cheminement. Entre culpabilité et remise en question, elle publie en 1993 «Le Bûcher des innocents». Un ouvrage aussi passionnant qu’éclairant qui ausculte avec talent une affaire devenue une passion française. Elle relate parfois avec parti pris mais surtout sans concession les drôles de recettes de l’information. La soupe au scoop, la cuisine des juges, la traque débridée au suspect.
Après cet épisode de tension, Laurence Lacour a voulu rompre avec le journalisme comme on rompt avec une illusion d’enfance. Elle s’est engagée dans une sorte de deuil improbable ou impossible dont témoigne ce récit intime et sensible, un rien mystique mais surtout profondément humain. Passé professionnel et passé intime se nouent dans ce pèlerinage vers Compostelle. Une marche terrible sur le chemin des enfances mortes. Le petit Grégory bien sûr. La petite malienne tuée sous ses yeux sur le Paris-Dakar qu’elle a été chargée suivre pour une radio. Et enfin, cet enfant qu’elle a porté et qui n’est pas né. Quelle charge pour une âme sensible! Quel sac pour le pèlerin en marche vers la rédemption! D’autant que dans cette quête, Laurence Lacour n’as pas choisi la facilité en s’engageant sur les chemins de Compostelle en hiver. De rencontres en épreuves, de doutes en hasards, cette aventure suit l’itinéraire d’une aventure intérieure. Laurence Lacour se doit d’aller au bout de ce chemin (de croix?). Après avoir quitté son logement et vendu ses meubles, elle doit encore se dépouiller de tout ce passé pour renaître. Pour renaître à une vie «normale», apaisée, sereine. Pour renaître, peut-être, à une vie d’écrivain. Pour le lecteur c’est en tout cas un vœu pieux.
Une phrase: «Saint-Jacques, c’est l’enfant.»
«Jendia, jendé, Tout homme est homme sur le chemin de Compostelle», par Laurence Lacour, 225 pages, Editions Bayard.