Sous X

Ce livre très coloré traduit de l’allemand est une sorte de performance artistique et éditoriale autour de l’identité de genre. Autrement que de récit, de roman ou de biographie, il faut parler ici de texte littéraire. C’est-à-dire d’un objet textuel complexe qui mélange les genres ou plutôt brouille les frontières entre eux à l’image de l’auteur Christoph Schneeberger, qui signe ici X Schneeberger et se fait appeler aussi X Noëme quand il se produit en drag queen sur la scène undergroud zurichoise.

L’auteur et artiste, qui est titulaire d’un master en écriture littéraire, se plaît donc à décloisonner les genres, à déconstruire le style et même – dans l’allemand original (originel?) – à le «neutraliser» pour élaborer ce récit familial et intime en deux parties, signée Schneeberger de Chantemerle pour la première, et X Noëme pour la seconde.

L’auteur, il ou iel, y conjugue quelque chose de son histoire personnelle avec la problématique et l’identité de genre. Il évoque aussi l’intensité de son implication sur la scène underground et queer zurichoise tout en poursuivant obstinément son questionnement.

Quelque chose d’Artaud
La langue qui porte cet exercice de style, cette autofiction hallucinée, a été déconstruite, joue sur les pronoms et le propos, entremêle en tourbillonnant des allusions à des chansons populaires ou en dialecte, des référence à la culture pop, à la littérature ou même à la Bible. La lecture n’est pas toujours facile et exige un certain engagement pour se plonger dans ce texte habité de fulgurances dont certains éclats ne sont pas loin de faire penser à Antonin Artaud.

Et si l’énergie de ce projet atypique passe la rampe d’une langue à l’autre c’est aussi grâce au travail de Valentin Decoppet, traducteur et auteur, qui s’est employé à en conserver la personnalité, l’identité pour mieux la «regen[é]rer» en quelque sorte. Ce livre à la fois fardé et sincère peut se lire comme le prolongement d’une performance artistique de la personne qui l’a écrit.

«Neon Pink & Blue», par X Scneeberger, 232 pages, Éditions d’en bas

Une phrase: «Moi, le palimpseste qui frappe selon la météo, qui devient visible, lisible; tordue, raturée, retordue – comme s’il y avait un retour en arrière du temps, du génome, de la so called nature.»

X Scneeberger / Photo: Corinne Futterlieb

Philippe Villard

Jongleur de mots et débusqueur de sens, le journalisme et le goût des littératures ont dicté le chemin d’un parcours professionnel marqué du sceau des rencontres humaines et d’une curiosité insatiable pour l’autre, pour celui dont on doit apprendre.