Un premier fruit qui a du suc

Rocco Guidice a écrit un joli premier roman, un livre qui parle de femmes avec une élégance sincère et travaillée à la fois. Subtil, délicat, aérien, léger et quelquefois superficiel, mais profond aussi, ce bref récit bien mené plonge loin dans la psyché de trois femmes que tout sépare et que tout réunit.

Le mangoustan du titre n’est pas qu’un simple fruit exotique. C’est le nom donné à ce violent super-typhon qui, à l’automne 2018, a balayé l’Asie du Sud-est, et tout particulièrement Hongkong, point nodal du récit où, sans forcément le savoir, ces trois femmes vont se croiser à la recherche de leur « painkiller », cet antidouleur capable de faire passer maux de tête et de cœur.

Et cette forte perturbation météorologique devient ainsi la métaphore du gros grain que, dans leurs vie, chacune d’entre elle doit affronter et dépasser. La première de ces héroïnes et une first lady. Il s’agit de Melania Trump, déterminée et manoeuvrière. Et si elle prend ses distances avec le président, c’est tout simplement parce qu’elle aime l’homme. La seconde est Irina, beauté ukrainienne coupée de ses racines pauvres mais se croyant à l’abri de tout au sein de la bonne société genevoise dont elle a épousé un représentant issu de la banque privée. Laure, la troisième, est peut-être la plus banale et la plus proche par l’ampleur de sa souffrance de femme bourgeoise délaissée par un mari qui lui préfère l’employée de maison philippine.

A leurs niveaux, trois femmes sont aux prises avec de hommes bien sûr, mais aussi à avec la vie. Ni objets, ni trophées, ni clichés, mais un peu quand même, elles cherchent à être des maîtresses, celles de leur destinée. D’avion en hôtel, elles virevoltent de Genève à Hongkong, de Singapour à Vésenaz, de Mar-a-Lago à Megève et maints autres lieux comme si l’on feuilletait une revue consacrée à l’univers du luxe car, naturellement tout se passe en très bonne et haute société.

Les chapitres sont courts, le style alerte et la dramaturgie tente peut-être d’esquisser le vortex qui fait tourbillonner les sentiments jusqu’à l’œil du cyclone qui vient froisser le papier glacé de ces histoires de cœurs fendus.

Une phrase: «N’élève pas la voix Donald, parce que, aussi vrai que la terre est ronde, je jure que tu n’as pas les moyens de te payer ma colère.»

«Mangoustan», Rocco Guidice, 190 pages, Allary Editions

Philippe Villard

Jongleur de mots et débusqueur de sens, le journalisme et le goût des littératures ont dicté le chemin d’un parcours professionnel marqué du sceau des rencontres humaines et d’une curiosité insatiable pour l’autre, pour celui dont on doit apprendre.