Une ode à l'écriture

Petits crissements de plumes sur papier à lettre, parfums de thé, politesse exquise des relations de voisinage, il y a dans ce livre délicat quelque chose de subtil et de suranné aussi. Dans une époque ou les épistoliers deviennent une espèce en voie de disparition, ce roman montre que l’art d’écrire forme un tout surtout quand on l’exerce dans sa globalité au service des autres.

Après une jeunesse que l’on entrevoit comme difficile, Hatoko a repris la petite papeterie de sa grand-mère, l’Aînée, qui l’a élevée, sans doute dans tous les sens du terme. Et comme cette dernière auparavant, elle en vient à exercer le métier d’écrivain public en maniant l’art de concilier le fond et la forme pour satisfaire les exigences parfois pas toujours bien exprimées de ses clients.

Imaginer un message qui descendrait sinon du paradis du moins de l’au-delà pour une veuve inconsolable implique un don d’empathie et de création qui doit se combiner, se marier avec le choix de l’encre, du papier, de l’instrument d’écriture, du timbre et de l’enveloppe…

Ainsi, grâce au talent d’Hatoko, chaque message, carte de vœux ou de condoléance – pour la mort d’un signe! -, devient par la grâce de l’écoute et de l’artisanat, une œuvre d’art.

Dans ce livre, qui aborde mine de rien des thème sérieux, il est en filigrane surtout question de transmission. Transmission du message d’abord. Transmission du sens aussi. Transmission de valeurs enfin car plus elle s’investit dans son activité, plus Hatoko mesure ce qu’elle doit à cette grand-mère qui se montrait aussi exigeante que respectueuse des traditions.

Enveloppé de sérénité ce joli roman est une ode aux petits pouvoirs de l’écriture. Il se pare de l’éclat d’un cerisier en fleur et regorge d’une poésie mûrie par une humanité bienveillante. Lire «La papeterie Tsubaki», c’est se faire beaucoup de bien.

«La papeterie de Tsubaki», Ito Ogawa, Éditions Picquier poche, 404 pages

Une phrase: «Malgré le nombre de commandes qu’elle avait honorées en tant qu’écrivain public, l’Aînée ne s’était jamais perdue de vue. Jusqu’à sa mort, elle avait été elle-même. Et maintenant que son corps avait disparu, elle continuait à vivre dans les calligraphies qu’elle avaient laissées. Son âme les habitait. C’était ça l’essence de l’écriture.»

Philippe Villard

Jongleur de mots et débusqueur de sens, le journalisme et le goût des littératures ont dicté le chemin d’un parcours professionnel marqué du sceau des rencontres humaines et d’une curiosité insatiable pour l’autre, pour celui dont on doit apprendre.